Se faire respecter en tant que manager : reprendre la maîtrise de sa légitimité
Vous avez raison mais personne ne vous respecte ? Voici pourquoi l’autorité ne se décrète pas – et comment la reconstruire concrètement.
C’est une plainte récurrente que j’entends chez les managers opérationnels :
”Je suis compétent, je suis juste, je prends sur moi… mais je ne suis pas respecté. Même quand j’ai raison.”
On pourrait dire que c’est une sensiblerie mais je crois que cela traduit une réalité plus dure : dans une organisation, avoir raison ne suffit pas pour être écouté, ni suivi, ni légitime. Et la pierre angulaire est souvent l’autorité informelle qui n’est d’ailleurs pas une affaire de vérité mais d’architecture.
En tant que manager, si vous souhaitez tenir votre rôle vous devez vous appuyer sur des fondations solides :
un cadre clair,
une posture cohérente,
des décisions constantes.
À l’inverse, un manager si vous laissez ces éléments se détériorer vous deviendrez peu à peu inaudible, même lorsque que vous aurez objectivement raison.
Dans cet article, je vous propose une lecture de cette perte de respect : non pas comme une fatalité relationnelle, mais comme un symptôme de faiblesse structurelle, réversible.
À condition de traiter les bonnes causes, évidemment.
1. Le respect ne se fonde pas sur la validité des propos, mais sur le statut de celui qui les émet
Gardez en tête que dans une équipe, les échanges ne sont pas des débats académiques. Personne ne se demande si ce que vous dites est vrai. On évalue seulement si ce que vous dites s’inscrit dans un cadre reconnu, régulier et assumé.
Triste, mais réel.
Lorsque votre légitimité/autorité informelle n’est pas évidente, vos propos sont mis au même niveau que ceux de n’importe quel collaborateur. Vous devez alors faire face à une dynamique terrible pour un manager : chacun défend son point de vue, et vous vous retrouvez à argumenter comme si vous deviez convaincre.
2. Tant que vos décisions restent négociables, votre autorité est théorique
Un autre levier de perte de respect réside dans le fonctionnement quotidien.
Certains managers, dans un souci d’écoute, laissent s’installer une forme de gouvernance flottante : les décisions prises peuvent être remises en cause, les consignes sont flexibles, les arbitrages sont reportés.
Ce mécanisme, souvent inconscient, crée un système où les collaborateurs apprennent à contourner plutôt qu’à suivre. On ne peut pas appeler de l’insubordination au sens propre mais disons que c’est un ajustement rationnel à un cadre mouvant.
Dans ce contexte, avoir raison ne vous servira à rien : si vous énoncez une direction, mais vous ne structurez pas le mouvement, l’équipe ne se mettra pas en mouvement.
Reprendre de l’autorité suppose donc de refermer le périmètre des décisions négociables. Non pas en excluant la discussion, mais en cadrant les conditions de celle-ci.
3. La permissivité managériale alimente mécaniquement la défiance
Beaucoup de managers croient bien faire en “laissant couler”. Ils ferment les yeux sur une remarque déplacée, tolèrent un retard, acceptent un écart… pour ne pas “envenimer les choses”. En réalité, chaque silence entérine une dérive.
Sans forcément concevoir que les collaborateurs, comme des enfants, chercheraient à tester les limites, gardez à l’esprit que, si ces dernières sont inexistantes, elles autorisent, mécaniquement, vos collaborateurs à concevoir qu’il n’y a en a pas.
Vous trouvez ça simpliste ? Je vous réponds réel et fondamental.
Votre cohérence managériale repose précisément sur l’entretien constant du cadre. Surtout pas par des sanctions spectaculaires, mais par des recadrages sobres, immédiats, réguliers. Et au final, ce n’est pas le contenu du (re)cadrage qui forge votre autorité, mais sa prévisibilité. Le fait que, chez ce manager-là, un écart appelle toujours une réaction.
4. Reconstruire son autorité exige une action méthodique, pas une démonstration ponctuelle
L’une des erreurs courante que je vois chez mes clients lorsqu’ils veulent reprendre la main consiste à “hausser le ton” ou à “marquer le coup” par une sortie plus ou moins maîtrisée de leurs gonds. Attention danger, car c’est souvent la manifestation ultime de votre perte de contrôle.
Préférez plutôt la reconstruction de ce que j’appelle “un écosystème de clarté”, dans lequel votre rôle est identifiable, votre parole structurée, et votre réaction prévisible.
Je vous le fais en trois étapes fondamentales :
réinstaurez une lisibilité managériale complète : les rôles, les objectifs, les règles internes doivent être explicites, assumés, documentés. Rien ne doit reposer sur l’implicite, mère de l’interprétation.
refixez une temporalité décisionnelle : les feedbacks doivent avoir un rythme connu, les arbitrages un délai maximum, les validations un processus fixe. Tout doit être penser pour éviter une gestion à l’humeur.
adoptez une posture de constance, non d’autoritarisme : il ne s’agit pas de durcir le ton. Il s’agit d’apparaître comme un point fixe dans un environnement instable. Le respect vient de là.
5. La solidité managériale repose sur des fondations invisibles, mais incontournables
Depuis plus de dix ans, j’accompagne des managers confrontés à ce type d’usure.
Leur point commun est toujours le même : presque toujours, le fond est sain, la compétence est là (la bonne foi aussi d’ailleurs) mais il manque l’ossature.
C’est-à-dire que le manager est dans l’action, mais pas dans l’architecture.
Il règle les urgences, gère des cas, encaisse les tensions… mais ne définit plus clairement sa zone d’autorité. Or, c’est précisément cette absence qui crée le flottement, pas la personnalité, ni la qualité du travail fourni.
En résumé
Le respect de vos équipes s’obtient lorsque le cadre managérial est clair, assumé, et entretenu avec rigueur.
Si vous constatez que votre parole ne porte plus, même quand vous avez raison, le problème n’est peut-être pas dans votre contenu mais dans votre posture. Et cette posture peut être retravaillée, consolidée, rendue lisible et stable.
C’est un travail technique. Structurant. Transformateur.
A votre solidité
Olivier KAMEL