Manager trop laxiste : faut-il intervenir en tant que RH ?
On ne va pas se mentir, un manager qui ne cadre plus, qui évite les recadrages, ou qui laisse s’installer des dérives : ce n’est pas rare. Et pour vous, en tant que RH, c’est une situation aussi connue que délicate.
Faut-il intervenir directement ? Faut-il attendre que la ligne hiérarchique régule ? Ou risquer qu’un dysfonctionnement local mine la dynamique collective ?
Derrière la question, un enjeu central : celui de la solidité managériale.
Avec cet article je vous aide à trancher, avec une grille de lecture opérationnelle pour décider quand et comment intervenir sans se substituer au rôle du manager opérationnel.
Un management trop permissif : quels signaux d’alerte ?
Vous voyez très bien de qui je parle, ce manager “trop cool”, qui privilégie l’ambiance au cadre. Derrière la bonne ambiance, voici les signaux à surveiller :
baisse de performance collective : vous la sentirez avant de la constater réellement. Les objectifs sont flous, les priorités changent au gré des urgences, et les subordonnés ne savent pas exactement qui est responsable de quoi. Il va vous falloir mener l’enquête pour rendre rationnelle votre approche, et le premier interlocuteur pourrait être le propre N+1 du manager en question,
plaintes latentes dans l’équipe : vous entendez les collaborateurs demander plus de clarté et il n’est pas rare que vous surpreniez des phrases du genre “on ne sait jamais ce qu’il attend” ou “on fait comme on peut”,
effacement de la posture d’autorité : pour garder l’effet “cool”, le manager concerné évite les confrontations, les sanctions sont absentes, et les éventuels comportements déviants ne sont jamais recadrés.
Quels risques si les RH n’interviennent pas ?
Laisser faire, en espérant que le manager se reprenne seul (ce qui n’arrive presque jamais), peut avoir un coût durable :
risque d’ancrage des dysfonctionnements : plus le laxisme dure, plus il s’installe comme une fatalité et les comportements déviants deviennent des habitudes. Ce qui aurait pu être un simple recadrage demande alors une restructuration culturelle interne profonde,
atteinte à la crédibilité de la fonction RH : c’est l’un des cauchemars des RH, si les équipes perçoivent que “même les RH voient et ne disent rien”, la fonction perd son autorité symbolique.
mise en péril de la sécurité psychologique : sans cadre, il n’y a pas de sécurité. Les non-dits s’accumulent, les tensions latentes émergent mal canalisées. Cela peut créer des climats d’équipe délétères, voire des risques psychosociaux (RPS).
Maintenant que le décors est posé, voyons comment vous, en tant que RH, vous pouvez remédier à cet état de faits.
Comment agir sans disqualifier le manager ?
Que l’on soit bien clairs, intervenir ne veut pas dire prendre le pouvoir. Je vous donne ici trois techniques pour réguler sans infantiliser :
1. structurez un entretien stratégique : attention ce n’est pas un recadrage au sens managérial du terme, mais un “cadrage”. Et vous ne pourrez le faire qu’en posant des constats factuels et en questionnant la vision managériale du manager : “Comment garantissez-vous aujourd’hui la clarté des rôles ?”, “Quelles règles explicites faites-vous appliquer ?”. Ici, l’intervention du N+1 du manager concerné est fortement conseillée.
2. reposez le cadre managérial collectif : d’une manière plus macro, et pour ne pas en faire un cas isolé voire personnel, rappelez les attendus communs dans une communication interne : régularité des suivis, communication des objectifs, traitement équitable des écarts. J’insiste, il s’agit de repositionner les exigences, pas de stigmatiser une personne.
3. proposez un accompagnement ciblé: offrez un soutien concret au manager, sans le forcer. Un coaching individuel ou un travail autour de la posture permet de renforcer la capacité à dire non, à arbitrer, à tenir un cadre sans agressivité.
Quand un manager laisse tout passer, l’inaction RH n’est pas une neutralité.
C’est une prise de position implicite. Structurer les exigences, réguler sans détruire, et redonner de la solidité à la ligne managériale : cela ne s’improvise pas.
C’est précisément sur ce point que le coaching professionnel ou une masterclass managériale peuvent devenir des leviers puissants.
À vous de décider si votre organisation a besoin de maintenir… ou de muscler sa colonne vertébrale.
A votre solidité
Olivier KAMEL